La vidéo montre une piscine en plein air avant l'ouverture de la saison. Des canards colverts (et d'autres espèces d'oiseaux) s'approprient cet espace liminal. En l'absence des humains et du système social qu'ils représentent, un espace intermédiaire plein de possibilités s’ouvre. Les canards utilisent les infrastructures humaines : ils nagent dans l’eau et dorment sur la pelouse. Leur vol au-dessus de la piscine alterne avec le passage des avions. La bande-son électronique jouée par l'artiste, notamment à partir du bruit des réacteurs d’avion, fait écho à l’eau, à ses reflets, ses mouvements. Les entités « plus qu’humaines » (eau, oiseaux, avions, infrastructures...) occupent le devant de la scène, de même que leurs interactions.
Sur un lutrin, une pile de feuilles est à disposition du public. Dessus, une composition graphique avec au premier plan la partition d’une chanson a cappella du XVIe siècle composée par Claude le Jeune : « Une puce j'ai dedans l'oreille », dont les paroles font référence à un état de malaise et de tourment. En arrière-plan, d’autres portées, verticales et vides, font référence à une structure grillagée. La partition provient d'un livre de chants qu’utilisait le père de l'artiste dans les années 1970 quand il chantait avec une chorale de jeunes hommes bénévoles pour les détenus du pénitencier de Sion. Dans un tel contexte, la musique acquiert une dimension thérapeutique. En vertu du règlement, il était interdit aux détenus de chanter, siffler, taper ou communiquer avec leurs voisins.
Les paroles de la chanson originale
Une puce j’ai dedans l’oreille, hélas
Qui de nuit et de jour me frétille et me mord
Et me fait devenir fou.
Nul remède n’y puis donner, je cours de là,
Retire-la moi je t’en prie.
O toute belle, secoure-moi.
Quand mes yeux je pense livrer au sommeil
Elle vient me piquer, me démange et me poind,
et me garde de dormir.
Nul remède…
D’une vielle charmeresse aidé je suis
Qui guérit tout le monde, et de tout guérissant
ne m’a su me guérir moi.
Nul remède…
Bien je sais que seule peut guérir ce mal
Je te prie de me voir de bon œil
et vouloir m’amollir ta cruauté.
Nul remède…
L’œuvre est inspirée par l’observation quotidienne du phénomène des écouteurs intra-auriculaires sans fil. C’est une image forte de notre société. Les gens s'isolent acoustiquement, se coupent de leur environnement, écoutent de la musique ou téléphonent. Dans les photographies, les écouteurs sont remplacés par des coquilles d'escargot ou des coquillages placés dans les oreilles. Les formes en spirale symbolisent la boucle, le retour, le bourdonnement musical. La forme de l'escargot fait également référence à la cochlée, cette partie de notre oreille interne qui transforme les ondes sonores en signaux électriques transmis au cerveau.
Né en 1989
Basé à Bâle
Raphael Stucky explore les frontières entre son, image et sculpture. Son travail, mêlant vidéo, performance, photographie et installation, s’inspire du quotidien, de la musique et des relations entre humains et animaux. Il a également participé à des projets mémoriels, notamment lors de la cérémonie d’excuses officielles du canton du Valais aux victimes de mesures de coercition, en avril 2025. Depuis 2018, il forme avec Andreas Thierstein le duo Hammer Band, qui interroge les gestes sonores et les rythmes du travail. Il a été impliqué dans divers collectifs et initiatives artistiques, comme le Deep Listening Study Group et le collectif d'artistes-curateurs Dr. Kuckucks Labrador.