Melissa Dubbin and Aaron S. Davidson

Vocal Braid, 2025

Eau, verre borosilicaté, porcelaine, pompes à air, pompes à eau, système de contrôle, électronique sur mesure, son, vidéo, pièces métalliques, alimentations électriques.
Dimensions variables, environ 2,5 x 2,5 x 4 mètres
Avec l’aimable autorisation des artistes.

Spirales en verre borosilicaté sur mesure et formes en verre réalisées pour les artistes par Dylan Karle, New York.

La voix est le langage de programmation de la réalité. Nous héritons de nos traits vocaux, un timbre contenant des écosystèmes entiers de sens. L’enfant qui adopte inconsciemment l’intonation d'un parent perpétue des codes génétiques et culturels transmis à travers l’intimité de l’échange vocal. La reprise fonctionne de manière similaire : une forme de génétique vocale où l'influence se transmet à travers le temps.

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Interpréter une reprise est un acte conscient d’écho à la voix d’autrui, par lequel nous laissons cette dernière façonner notre gorge, notre souffle et nos connexions neuronales jusqu’à ce qu’elle devienne une part de nous, une forme d’héritage vocal. Nos voix portent nos intentions autant que notre ascendance. Comme l'observe la psychanalyste Jamieson Webster, avant de respirer de l'air, nous respirons du liquide ; avant de parler, nous sommes parlé·es à travers l'eau. Cette première écoute sans voix façonne notre capacité même à respirer—le rythme de notre respiration future étant déjà codé dans le pouls des marées amniotiques. Au travers cet emprunt, nous rejouons ce qui se passe inconsciemment avant la naissance : tresser les voix de nos parents dans nos cordes vocales en formation, ainsi que celles de nos ancêtres non humains dont les sacs vocaux ont, les premiers, poussé l'air à travers l'eau pour créer du son.

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La rainette du Pacifique incarne la reprise par excellence : son cri se substitue à celui de toutes les espèces de grenouilles dans l'imaginaire sonore du cinéma - un unique coassement qui a conduit des générations entières à percevoir la vie amphibienne à travers une seule fréquence vocale. Le chœur nocturne de la grenouille, modulant l'atmosphère, démontre que la voix est fondamentalement sculpturale, de l'air façonné en signification. Dans la synthèse modulaire, nous voyons la voix décomposée en ses éléments constitutifs : oscillateurs, filtres, enveloppes. Le synthétiseur révèle ce que la gorge a toujours su : que la voix est une tension électrique, que le souffle est un circuit biologique. La grenouille le savait bien avant nous : ses sacs vocaux sont des résonateurs organiques, son corps une machine vivante pour manipuler l’atmosphère.

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Vocal Braid matérialise ce processus en tant qu’architecture de la transmission sonore. Le son est le mouvement de l'air. Le sac vocal de la grenouille, qui se gonfle et se dégonfle sous la surface de l'eau, fournit le modèle évolutif de cette acoustique liquide. Chaque bulle devient ce que Peter Sloterdijk appelle une sphère d'intimité—un monde acoustique autonome où le souffle crée l'espace, où la voix construit sa propre enveloppe atmosphérique. Ces sphères d'air en mouvement dans l'eau forment une écume de possibles, chaque bulle un amnios miniature porteur du potentiel de la voix. Des formes en verre, dessinées comme des lignes à retard, rendent visible le passage des bulles d'air à travers l'eau. Ici, les délais sont évolutifs. Les voix dévalent le temps, les harmonies humaines s'entrelacent avec les fréquences fantômes de nos ancêtres. Ces récipients en porcelaine ont servi à la fois d'amplificateurs acoustiques et de lieux de développement embryonnaire des rainettes du Pacifique dans leur habitat du nord de la Californie.

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Si notre voix façonne la réalité, nous devons dire, collectivement, ce que nous voulons construire. Nous devons appeler et répondre, écouter et devenir. L'air lui-même devient un médium de transmission psychique, chaque souffle un échange entre mondes intérieurs et extérieurs, entre soi et autrui. La voix a besoin de cet air emprunté, de cette atmosphère partagée qui a traversé d'innombrables poumons avant d'atteindre les nôtres, portant les traces de chaque souffle précédent. Le verre incarne ce paradoxe de transparence et de la barrière. Cet état liquide figé capte la nature liminale de la voix elle-même : ni totalement terrestre ni tout à fait aquatique, elle porte la mémoire de ces deux états. L'eau apparaît ici non comme métaphore mais comme médium. Le site de la Centrale hydroélectrique offre un espace déjà défini par le pouvoir transformateur de l'eau et sa conversion en énergie.

Jamieson Webster, On Breathing (New York, Catapult, 2024).

Peter Sloterdijk, Sphères I. Bulles. Microsphérologie (traduit de l'allemand par Olivier Mannoni, Paris, Pauvert, 2002)

Peter Sloterdijk, Sphères III. Écumes. Sphérologie plurielle (traduit de l'allemand par Olivier Mannoni, Paris, M. Sell, 2005)

Un grand merci à Maxime Guitton, Jean-Paul Felley, Dylan Karle, Jess Swan, Alex Hayden et Christophe Constantin.

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Melissa Dubbin et Aaron S. Davidson

Née en 1976 et né en 1971
Basés à Brooklyn (New York)

Melissa Dubbin et Aaron S. Davidson ont co-signé des œuvres dans une grande variété de médiums. Ensemble, ils appliquent des processus collaboratifs dans leur pratique et leur rapport aux matériaux. Leurs œuvres se caractérisent par des transformations à la fois biologiques et mécaniques : les pierres précieuses enregistrent, les métaux ont une mémoire, les sons prennent forme et les fluides hydratent les machines. Leurs projets récents explorent les relations entre l’environnement, l’informatique et les formes de vie artificielles.